samedi 15 novembre 2014

Comment dire ....

"DO IT YOURSELF" 

"Faites-le vous-même" en français.  
Alors pourquoi le dire en anglais ?

Voilà une manière de dire qui m'agace au plus haut point. La dernière fois que j'ai lu cette expression (Le Parisien du 27 octobre), j'ai attrapé un coup de sang que j'ai pensé vous faire partager. Puis le temps a passé car il fallait bien que je me documente pour argumenter mon coup de gueule. Qui s'est quelque peu dilué .....

Mais qu'est-ce qui me dérange le plus : l'anglicisme ou la redécouverte d'une pratique qui a toujours existé ? 

En ce qui concerne l'anglicisme (incorporations de mots anglo-américains dans le vocabulaire français), j'ai consulté deux sites : celui de l'académie française qui est une mine d'information (qui devrait plaire à l'ami Mickaël) et VR2, organisme de formation dont le dossier "Les anglicismes, pas toujours cool ..." (extraits écrits en vert).

L'emprunt à l’anglais est un phénomène ancien. Certains mots font partie du vocabulaire d'usage courant, parfois depuis longtemps. Pickpocket a été introduit entre 1700 et 1800, show entre 1920 et 1940. (pour lire d'autres exemples cliquer ici Le texte écrit en bleu en est extrait). Que ferions-nous sans match de football et week-end ? Je n'aurais pas pensé que les mots "autocar" et "audit" étaient d’origine anglaise. Et tous les autres... mais pas tant que cela. 
Un Dictionnaire des anglicismes de 1990 en enregistre moins de 3000, dont près de la moitié sont d’ores et déjà vieillis. Les anglicismes d’usage, donc, représenteraient environ 2,5 % du vocabulaire courant qui comprend 60 000 mots. [   ]Si l’on considère les fréquences d’emploi de ces anglicismes, on constate que beaucoup appartiennent à des domaines spécialisés ou semi-spécialisés et sont donc assez peu fréquents dans la langue courante.
Dans l’édition en cours du Dictionnaire de l’Académie française, sur un total actuel de 38897 mots répertoriés, 686 sont d’origine anglaise (soit 1,76 %), dont 51 anglo-américains seulement. À titre de comparaisons, on trouve 753 mots d’origine italienne (soit 1,93 %), 253 mots venus de l’espagnol (0,65 %) et 224 de l’arabe (0,58 %). Pour affiner encore les statistiques, disons que 48 mots proviennent du russe, 87 du néerlandais, 41 du persan, 26 du japonais et 31 du tupi-guarani ! Sur l’ensemble des mots d’origine étrangère répertoriés dans le Dictionnaire de l’Académie, l’anglais ne représente donc que 25,18 % des importations, et est devancé par l’italien, qui vient en tête avec 27,42 %.
Mais tout est relatif. Ces chiffres indiquent qu'il est excessif de parler d’une invasion de la langue française par les mots anglais.Mais le vocabulaire actif est beaucoup plus restreint  (le nombre de mots dont on use spontanément varie selon l'âge et le milieu social). Vu sous cet angle, le pourcentage de mots d'origine anglaise serait peut-être plus grand.

Il n'en reste pas moins que les emprunts à la langue anglaise ont connu une accélération depuis une cinquantaine d’années. Cela tient au fait que l’anglais est aussi la langue de la première puissance économique, politique et militaire, et l’instrument de communication de larges domaines spécialisés des sciences et des techniques, de l’économie et des finances, du sport, etc. À cela s’ajoute que l’on concède généralement à l’anglais une concision expressive et imagée qui, si elle peut nuire parfois à la précision (surtout dans l’anglo-américain très pauvre qui sert ordinairement de langue internationale commune), s’accorde au rythme précipité de la vie moderne. 
Par ailleurs, les nouvelles technologies y [ont contribué] pour beaucoup, l'informatique en tête, depuis pas mal d'années. Sur ce dernier chapitre, des termes très techniques, souvent liés à la programmation, sont en anglais et doivent nécessairement le rester pour des raisons de compatibilité et de standards fonctionnels. Certains milieux, comme le spectacle ou le commerce, usent et abusent des anglicismes. A se demander s'il ne s'agit pas de créer un flou supplémentaire favorable au conditionnement des esprits, entre autres choses en créant des castes-cibles, protégées des contre-mesures par la barrière de la langue.

L'usage des anglicismes est-il utile ou non?
Certains emprunts contribuent à la vie de la langue, quand le français n’a pas d’équivalent tout prêt ni les moyens d’en fabriquer un qui soit commode, quand ils répondent à un besoin, et quand leur sens est tout à fait clair. 
D’autres sont nuisibles, quand ils sont dus à une recherche de la facilité qui ne fait qu’introduire la confusion : on emploie un anglicisme vague pour ne pas se donner la peine de chercher le terme français existant parmi plusieurs synonymes ou quasi-synonymes. Moyennant un minimum d'attention, ils sont assez facilement remplaçables. La rubrique "Dire, ne pas dire" peut y aider.
D’autres enfin sont inutiles ou évitables, comme la plupart de ceux qui relèvent d’une mode, [ ]qui permettent de se distinguer, de paraître très au fait, comme s'il était ringard de nommer et décrire les choses et produits dans une autre langue que l'anglais alors que le français dispose déjà de termes équivalents. 

Pour lutter contre les usages et limiter les risques de disparition de la langue française que certains voient se dessiner sous la pression anglo-américaine, la France s'est dotée depuis 1994 d'une loi visant à « assurer la primauté de l'usage de termes francophones traditionnels face aux anglicismes ».

VR2 voit d'autres risques dans l'usage abusif de mots anglo-américains, en dehors d'échanges linguistiques légitimes. Nous nous efforçons de traduire et le processus (mot français d'origine latine et signifiant « progrès, progression ») n'est plus celui du rapport entre l'idée et l'expression. Dans de tels cas, la référence linguistique est déportée, le contenu y perd, sacrifié à un étalonnage hors-culture. On ne pense même plus en français...
Sommes-nous seulement capables d'une traduction spontanée de tous les anglicismes que nous utilisons ? Si non, est-il bien sain d'user de termes dont la signification nous est toute relative voire franchement absconse ? Et si oui, à quoi bon des termes de remplacement, souvent plus imprécis que l'expression française ?
Il n'empêche que nos habitudes ne sont pas sans conséquences, à différents degrés et niveaux, linguistique, culturel et cognitif. Les mots sont le chemin d'accès à notre pensée et le moyen par lequel elle s'exprime. Notre façon de s'exprimer a des conséquences sur notre mode de pensée.

Rédiger ce texte m'a permis d'y voir plus clair dans mon ressenti : je suis contre les anglicismes qui relèvent d’une mode, [ ]qui permettent de se distinguer, de paraître très au fait, comme s'il était ringard de nommer et décrire les choses et produits dans une autre langue que l'anglais alors que le français dispose déjà de termes équivalents. Par ailleurs, j'ai constaté à maintes reprises que le moindre petit effort semble sur-humain, que la facilité est recherchée en toute circonstance, surtout s'il faut réfléchir.

L'article qui m'a mise en colère présente différents ateliers qui "permettent aux apprentis bricoleurs de trouver espace, outils et conseils pour se lancer" dans la réparation et la création,nommées donc "Do it yourself". Un petit entrefilet nous indique que ce "mouvement a émergé dans les années 1970 comme un refus de la société de consommation." On ne nous dit pas où : les Etats-Unis je suppose. Aujourd'hui, "la surconsommation et le tout jetable sont passés de mode, on conserve et répare de plus en plus nos biens, parce que c'est plus économique". Il y a certainement aussi l'effet de préservation de l'environnement qui joue. Quand à la consommation, elle n'a pas disparue puisque le "faire soi-même" est devenu "un marché avec ses magasins, ses livres, ses émissions de télévision", ses sites Internet. 
Mais je me permet de rappeler à tous ces nouveaux bricoleurs du dimanche qu'ils n'ont rien inventé : bricoler de la sorte a toujours existé. Simplement cela n'avait pas pignon sur rue. Faire de ses mains redevient à la mode alors que nous venons de traverser une période où les travaux manuels furent mis à l'index et dévalorisés. Je pense personnellement que l'Education Nationale n'y est pas étrangère. Peut-être faut-il y voir aussi une redécouverte par les habitants de la ville d'un mode de vie que la campagne a peut-être plus facilement conservé ?

Reconnaissons aussi que nous entrons dans une nouvelle ère : le modèle consumériste a vécu. Les initiatives locales pour inventer un nouveau modèle sont foison ( "Carnet de campagne" à 12h30 sur France-Inter rend compte du phénomène), mais nos politiques font du sur-place sur la question. Ils sont encore à nous parler de crise (plus ou moins forte depuis ... 1974) alors qu'il faut faire le deuil de ce qui a été et ne sera plus, accepter et s'adapter à la nouvelle situation, c'est-à-dire repenser le travail. Nous en sommes loin !

Ma colère était retombée, mais j'ai "tiqué" à la lecture d'un petit entre-filet dans le dernier livre que je viens de m'offrir
Ce livre retrace l'évolution de la place faite à la femme dans la société française de 1919 à 1989 à travers le prisme de la revue MODES ET TRAVAUX. Page 53, je lis : "Dès 1922, soit trois ans à peine après sa création, Modes et Travaux féminins propose à ses lectrices de "recycler déco" en s'adonnant à la confection de fleurs avec des coquillages ramenés d'escapades balnéaires (prisées à l'époque) ou à celle d'un abat-jour plissé. En période de crise, le périodique des Boucherit [propriétaires et concepteurs du magazine) donne le ton avec le do it yourself : aide-toi et Modes et Travaux t'aidera !"
GRRRRR.............. pour le vocabulaire employé, mais voilà bien la preuve que ce n'est pas nouveau. De nombreuses revues passées et actuelles sont le vecteur du "faire soi-même".
Et oui, n'en déplaise à certains, il y en a encore qui lise à l'heure du numérique. C'est vrai que la presse papier coûte cher, mais au moins je sais où va mon argent. Alors que quand je furète sur Internet, cela rapporte à quelqu'un mais je ne sais pas à qui !

Bon, je critique, je me moque, mais moi aussi je récupère : le tissu utilisé pour réaliser ce porte-feuille provient d'une robe cousue en 1991